Licenciement sans cause réelle et sérieuse : barème Macron, vers une indemnisation « adéquate » ?

Le caractère adéquat de la réparation allouée au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse doit être apprécié de manière concrète selon son préjudice ce qui peut conduire, au cas par cas, à déroger au barème «Macron ».‍

Depuis par la parution du barème d’indemnisation en cas de licenciement jugé comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, plusieurs juges du fond ont retenu l’inconventionnalité du barème. Cette argumentation a néanmoins été rejetée par un avis de la Cour de cassation, dans lequel elle juge sans réserve la conventionnalité du barème fixé par l’article L.1235-3 du Code du travail (Cass. Assemblée plénière, avis n°15-012 et n°15-03, 17 juillet 2019,n°19-70.010)

La bataille juridique autour de cette question se poursuit toutefois devant les juges du fond La Cour d’appel de Reims avait déjà jugé dans un arrêt du 25 septembre 2019 que le barème Macron était conforme aux articles 10 de la convention 158 de l’Organisation International du travail et24 de la charte sociale européenne. La Cour d’appel de Reims avait toutefois jugé que cela ne dispensait pas les juges d’un contrôle in concreto (au cas par cas) pour apprécier si le barème ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné ». Ainsi, il s’agit pour le juge de déterminer, dans chaque cas d’espèce, si le barème peut être appliqué ou doit être écarté dans le cas où son application porterait atteinte au droit à une réparation adéquate. La recherche de proportionnalité doit se faire « in concreto »,subordonnant néanmoins ce contrôle à la demande expresse du salarié.

Plus récemment, la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 18 juin 2020, n’a certes pas écarté le barème Macron, mais a pris le soin de préciser dans son dispositif que « la salariée ne produit aucun élément à l’appui de sa demande indemnitaire. Au vu de la situation de la salariée, le montant de cette indemnité correspond à la réalité du préjudice subi, sans que l’application du plafonnement légal ait pour effet d’en réduire le montant.L’application de l’article L. 1235-3 n’entraîne pas de conséquences manifestement excessives qui justifierait qu’elle soit écartée ».

Dans la lignée de ces décisions, la Cour d’appel de Grenoble a considéré que l’indemnisation adéquate exigée par les deux textes internationaux ne suppose pas une réparation intégrale du préjudice subi. Mais contrairement à la Cour d’appel de Reims, celle de Grenoble a été plus loin en jugeant que les articles 10 de la convention 158 de l’OIT et 24 de la charte sociale européenne n’imposent pas non plus qu’elle soit dissuasive pour l’employeur, et rejette un argument, souvent entendu contre le barème, selon lequel le plafonnement des indemnités permettrait à l’employeur de « budgétiser» le coût d’un licenciement et de prévoir, en connaissance de cause, les conséquences financières de la violation de la loi. La Cour d’appel de Grenoble a elle aussi admis la possibilité d’écarter l’application du barème, en fonction de chaque espèce, lorsque son application ne permettrait pas d’assurer une réparation adéquate aux salariés injustement licencié (CA Grenoble 2-6-2020n° 17/04929)

Reste à savoir si la Cour de cassation entérinera cette position.

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