Loi sur la santé : nouvelle définition du harcèlement sexuel en droit du travail
Le 2 août 2021, la loi dite « Loi Santé » a apporté une nouvelle définition du harcèlement sexuel en droit du travail, en alignant cette définition sur celle existant en droit pénal. Jusqu’alors, les deux branches du droit français offraient des définitions distinctes, pouvant compliquer la qualification d’actes de harcèlement sexuel dans un contexte professionnel. Désormais, la définition en droit du travail intègre de nouvelles dispositions, prenant en compte des situations de harcèlement concerté ou successif, deux formes souvent observées en entreprise. Cet article explore les modifications introduites par la loi, leurs conséquences en droit du travail, et les différences restantes avec le droit pénal.
Unification des définitions en droit pénal et en droit du travail
Avant la loi Santé du 2 août 2021, la définition du harcèlement sexuel différait entre le Code pénal et le Code du travail. En droit pénal, l’article 222-33 du Code pénal définissait le harcèlement sexuel de manière plus large, visant les comportements ou propos à connotation sexuelle imposés de manière répétée, ou un acte unique en cas de pression grave. En droit du travail, l’article L. 1153-1 du Code du travail, quant à lui, définissait le harcèlement sexuel mais sans inclure les actes de harcèlement concerté ou successif.
Cette disparité entraînait des complications pour les entreprises et les salariés, puisque les actes constituant un harcèlement sexuel en droit pénal pouvaient ne pas être reconnus en droit du travail, et inversement. L’alignement des définitions vise à corriger cette incohérence, facilitant ainsi la reconnaissance des actes de harcèlement sexuel au sein des entreprises. En pratique, cette unification permettra une meilleure protection des salariés et une plus grande clarté pour les employeurs, les responsables RH et les juges prud’homaux en matière de sanctions.
Nouvelles dispositions de la loi sur la santé
La loi du 2 août 2021 ajoute deux alinéas à l’article L. 1153-1 du Code du travail, élargissant la définition du harcèlement sexuel pour y inclure des formes de harcèlement spécifiques : le harcèlement concerté et le harcèlement successif. Ces dispositions permettent de reconnaître des situations de harcèlement où les comportements proviennent de plusieurs personnes et de qualifier plus facilement le harcèlement sexuel dans des situations complexes.
Harcèlement concerté
La première nouvelle disposition concerne le harcèlement concerté, c’est-à-dire lorsque plusieurs personnes adoptent des comportements ou tiennent des propos à connotation sexuelle envers un même salarié, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, sans que chacun de ces individus ait agi de manière répétée. Ce type de harcèlement se manifeste généralement lorsqu’un groupe de personnes coordonne leurs actions pour exercer une pression sur la victime, par des propos déplacés ou des comportements humiliants.
Ce mécanisme de concertation, qui n’était pas pris en compte dans l’ancienne version de l’article L. 1153-1 du Code du travail, permet de poursuivre les comportements de harcèlement même en l’absence de répétition individuelle. La loi reconnaît que le harcèlement peut résulter d’une intention collective, et non d’une seule personne, ce qui élargit la possibilité de qualification de l’infraction et garantit une protection plus étendue pour les salariés victimes de harcèlement concerté.
Harcèlement successif
La deuxième disposition introduit le concept de harcèlement successif. Elle vise les situations où plusieurs personnes tiennent des propos ou adoptent des comportements à connotation sexuelle envers un salarié de manière successive, sans concertation préalable, mais en ayant conscience que ces actes constituent une répétition. Par exemple, dans une situation où plusieurs collègues harcèlent un même salarié, chacun contribuant à une pression constante sur la victime sans coordonner leurs actions, le harcèlement sexuel est reconnu comme tel.
Le harcèlement successif prend en compte la dynamique collective qui peut se développer en entreprise et la manière dont plusieurs individus, même sans concertation, peuvent contribuer à un climat de harcèlement à l’encontre d’une personne. En intégrant cette notion, la loi permet de sanctionner de façon plus efficace des comportements de harcèlement qui, dans le passé, pouvaient être difficiles à caractériser en raison de leur caractère individuel.
Différence majeure entre le droit pénal et le droit du travail
Bien que les définitions aient été alignées, une différence fondamentale subsiste entre le droit pénal et le droit du travail quant à la qualification de l’infraction, en particulier concernant la notion d’intention. Cette distinction a des conséquences importantes pour les victimes, les employeurs et les auteurs de harcèlement.
Droit pénal
En droit pénal, l’article 222-33 du Code pénal qualifie le harcèlement sexuel en s’appuyant sur une intention précise : les comportements doivent être « imposés » par l’auteur. Cette terminologie implique que le harcèlement est reconnu si la victime peut démontrer que les comportements ou propos lui ont été imposés de manière intentionnelle par l’agresseur. La notion d’intention en droit pénal rend la qualification d’un comportement en tant que harcèlement plus exigeante, car elle suppose de prouver une volonté délibérée de l’auteur de nuire ou d’imposer des actes inappropriés.
Droit du travail
En droit du travail, la notion d’intention est moins rigoureuse. L’article L. 1153-1 parle de comportements ou de propos « subis » par le salarié, ce qui permet de caractériser l’infraction même sans démonstration de l’intention de l’auteur. Le harcèlement sexuel est reconnu dès lors que le salarié est exposé à des actes qui créent un environnement de travail intimidant, hostile ou offensant, sans qu’il soit nécessaire de prouver une intention malveillante. Cette distinction facilite la reconnaissance de l’infraction en droit du travail, où la priorité est donnée à la protection du salarié et à la qualité de son environnement de travail, même en l’absence d’une intention avérée de nuire.
Entrée en vigueur de la nouvelle définition
La nouvelle définition du harcèlement sexuel introduite par la loi Santé entre en vigueur le 31 mars 2022. Cette date marque une étape importante pour les entreprises, qui devront s’assurer que leurs procédures internes en matière de harcèlement sexuel sont conformes à cette nouvelle définition. Les services des ressources humaines, ainsi que les représentants du personnel, devront être sensibilisés et formés aux nouveaux concepts de harcèlement concerté et successif pour mieux les identifier et les prévenir.
Pour les salariés, cette entrée en vigueur signifie une reconnaissance élargie de leurs droits et une meilleure prise en compte des situations de harcèlement dans leur environnement de travail. En cas de litige, les juridictions prud’homales appliqueront cette définition pour évaluer les situations de harcèlement et décider de la qualification et des éventuelles sanctions. Cette réforme vient ainsi renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel en milieu professionnel, tout en facilitant l’accès à la justice pour les victimes.